- Blog
- Interview queer (suite) : « Faire son coming out […] un acte constant »
Interview queer (suite) : « Faire son coming out […] un acte constant »
Quelle est la réaction des gens à ton égard quand ils apprennent ton identité queer ?
Les gens sont souvent surpris quand je leur dis que je sors avec des femmes aussi parce que je peux passer pour une hétéro à leurs yeux. Je n'ai pas les marques stéréotypées de certaines femmes queer : tatouages, cheveux courts, que sais-je…
Je m'identifie comme femme queer. Cela ne me rend pas moins radicale ou féministe, car j’exerce un pouvoir pour définir ce que je ressens en tant que femme. Soit dit en passant, les stéréotypes selon lesquels les femmes lesbiennes sont masculines, et les homosexuels féminins, perpétuent l'hétéronormativité et effacent la distinction nécessaire entre identité de genre et orientation sexuelle. Un sujet pour un article de blog, n’est-ce-pas ?
Comme vous pouvez l’imaginer, ma capacité à passer pour hétéro et à être considérée comme féminine me donne accès à certains privilèges. Et cela rend parfois les choses un peu délicates. Je me trouve souvent en train de corriger des personnes qui m’expliquent ma sexualité ou mon genre.
Comment s’est passé ton coming out ?
Faire son coming out, pour moi et pour beaucoup d'autres, est un acte constant : chaque fois que je rencontre une nouvelle personne, chaque fois que quelqu'un émet une hypothèse ou remet en question mon identité, j'évalue si je souhaite en parler. Est-ce que je me sens en sécurité ? Est-ce que je fais assez confiance à cette personne ? Est-ce que je veux engager un dialogue plus long ? Est-ce que cela va nécessiter un travail émotionnel et est-ce que je suis prête à le faire ? Est-ce que j'ai besoin que cette personne me connaisse plus en profondeur ? Ensuite, si j’estime que la situation se prête à un coming out, je parcours mon répertoire habituel de variantes : « au fait, je suis queer », « je sors aussi avec des femmes », « je ne suis pas que hétéro ».
As-tu des exemples de biphobie ou de préjugés à l’égard des personnes bisexuelles à nous donner ?
Cela commence tout simplement par croire que la bisexualité n’est pas une identité légitime, que c’est une phase, qu’on n’arrive pas à choisir. Mais cela peut aller jusqu’aux insultes ou aux coups.
Et puis il y a des petites choses telles que présumer l’identité d’une personne sur la base de ses antécédents sexuels ou de ses relations amoureuses actuelles. Ou encore supposer que tout le monde soit gay ou hétéro. Ce que je trouve un peu plus dangereux encore, ce sont ces gens de la communauté LGBT+ qui veulent effacer les personnes bisexuelles du mouvement. Cela existe vraiment.
Et puis il y a les préjugés qui consistent par exemple à dire aux bisexuels qu’ils ont le double d’options pour trouver un plan cul ou une relation sérieuse. Ou alors à décourager les gens à ne pas sortir avec des personnes bisexuelles parce qu’elles pourraient s’intéresser à l’autre sexe. Ou encore penser que les bisexuels ne peuvent pas être monogames. Et la chose qui revient le plus c’est sûrement l’idée selon laquelle les personnes bisexuelles veulent des trios.
Penses-tu que ta vie serait différente si tu n’étais pas bi ? As-tu déjà pensé à cela ?
Je n’y pense pas, les médias me montrent à quoi ça ressemble chaque jour.
Quel conseil donnerais-tu aux personnes qui passent par la découverte de soi au travers de leur identité de genre ?
Le parcours de chacun est différent et elles seules peuvent définir elles-mêmes les repères appropriés. Je pourrai aussi leur dire de rechercher l’avis, les points de vue des autres, d’essayer de développer une communauté de soutien composée de personnes en qui elles ont confiance et de rejoindre la communauté LGBT+ !
Il ne faut pas non plus se sentir obligé de faire son coming out au détriment de sa propre sécurité physique, psychologique et émotionnelle. Il faut prendre aussi le temps nécessaire, qui varie d’ailleurs d’une personne à l’autre, pour comprendre et assumer ses sentiments et pour trouver l’approche, le langage qui convient pour en parler aux autres.
Quels conseils donnerais-tu aux personnes hétérosexuelles qui aimeraient soutenir la cause LBGT+ ou qui aimeraient en savoir plus ?
La même chose qu’aux autres : de faire leur devoir en leur âme et conscience. De poser des questions avec respect, de ne pas faire de suppositions trop hâtives et d’essayer de ne pas imposer un fardeau émotionnel supplémentaire aux personnes qu’elles essaient de soutenir.
Enfin, si possible, d’intervenir lorsque qu’elles observent de l'homophobie ou de la biphobie dans les lieux publics comme privés.
Merci à toi pour le temps que nous a accordé.
Vous êtes bisexuel(l) ? Partagez votre parcours et vos perspectives en commentaires sur notre blog pansexuel !