- Blog
- Interview femme bisexuelle : L’avantage d’être principalement perçue comme hétérosexuelle
Interview femme bisexuelle : L’avantage d’être principalement perçue comme hétérosexuelle
Qu'est-ce que ça fait d'être une femme bisexuelle ? Comment l’entourage réagit-il au coming out d’une proche leur annonçant sa bisexualité ? Quelles sont les réactions de la scène lesbienne, queer et pansexuelle à l’égard des personnes qui osent faire leur coming out ? Que peuvent faire les femmes lesbiennes et queer pour accueillir au mieux les femmes bisexuelles ?
Pour répondre à toutes ces questions, j'ai interviewé Laura, une femme bisexuelle. Cette interview explique pourquoi elle s’identifie comme étant bisexuelle, quels problèmes peuvent survenir face à ce constat et comment elle y fait face.
Comment s'est passé ton coming out en tant que femme bisexuelle ?
En fait, je n'ai pas eu de vrai coming out à proprement parlé, si tant est qu’il y une vraie ou bonne façon de faire son coming out. C’est une question très personnelle qui se traite individuellement. J’ai toujours été ouverte quant à mes sentiments. Quand je sentais le besoin de parler de mes sentiments pour une femme ou pour un homme, j'en parlais à des amis. Pour être franche, je n'ai pas dit à mes parents que je m'identifiais comme bisexuelle, simplement parce qu'il n'y avait aucune raison de le faire : je n’ai toujours pas eu de relation longue avec une femme que j'aurais bien aimé leur présenter.
Je me demande souvent si je devrais être plus explicite sur mon orientation sexuelle mais je finis constamment par me dire que cela n’a pas de grande importance. Ce thème n’a pas de pertinence dans tous les contextes et dans toutes les situations.
Comment les gens réagissent quand tu évoques ta bisexualité ?
Parfois, je ne suis pas sûr que ceux à qui j’en parle me comprennent vraiment. Ça dépend en fait qui on a en face. Mes amies et mes sœurs sont très ouvertes et n’ont pas fait de reproches ou de critiques négatives. Mon impression est que cela ne fait pas une grande différence pour eux. Mais je remarque quand même qu’ils n'osent pas aller plus en profondeur. Parfois c’est plutôt agréable pour moi, quand un bon ami me demande directement des choses concrètes sur ma sexualité. Bien que ce soit très privé, il y a des gens avec qui j’aime en parler et d’autres à qui j’aimerais en parler mais je n’y suis pas encore parvenue.
Si quelqu'un n'ose pas demander ou réagit avec appréhension quand je raconte quelque chose sur ma vie bisexuelle, je peux le comprendre, mais je me sens toujours un peu rebutée parce que c'est une partie importante de ma vie. J’aimerais pouvoir en parler totalement librement mais ce n’est pas tout le temps possible.
Pourquoi tu identifies comme une femme bisexuelle ? Qu'est-ce que cela signifie pour toi ?
Pour moi, cela signifie pouvoir tomber amoureuse de personnes qui s’identifient comme un homme ou une femme. Je comprends la critique du terme bisexuel, qui conduit à la binarité des genres, mais j’ai décidé de l’utiliser parce que cela correspond à mon expérience personnelle.
Je ne me désigne pas pansexuelle parce que je n'ai jamais aimé une personne qui ne s'est pas identifiée comme un homme ou une femme.
Quelles sont les réactions dans la scène lesbienne et queer lorsque tu évoques ta bisexuelalité ?
Jusqu'à présent, je n'ai été confrontée à aucune réaction spécifique, ni trop positive ni trop négative.
Lorsque tu as un partenaire, as-tu parfois le sentiment qu'il te manque quelque chose ou que tu ne peux pas vivre pleinement une partie de toi-même ?
Honnêtement, je ne suis plus en couple depuis longtemps. Une situation vraiment abstruse s'est présentée lorsque j'ai présenté mon ex-copine à un ami hétérosexuel dont j'avais été amoureux. Il l’a d’abord pris à la rigolade jusqu’à ce qu’il comprenne que c’était sérieux. Là, il a été gêné. On n’a plus trop de contact depuis cet épisode.
Dans quelle mesure la bisexualité est-elle une minorité dans la minorité ?
Cela dépend de la définition de minorité. Si nous considérons que les minorités ont certains privilèges ou souffrent de formes spécifiques de discrimination, je dirais qu'il existe également des « cas » très différents au sein de la communauté biculturelle.
J'ai personnellement l’avantage d’être principalement perçue comme hétérosexuelle, moins exposée aux attaques homophobes que les autres bisexuels. En même temps, cette perception conduit à l'invisibilité dans la communauté queer, ce qui rend difficile l’approche avec d’autres personnes queer. Cependant, je ne sais pas dans quelle mesure la « bi-invisibilité » me protège.
Trouver et intégrer une communauté avec d'autres personnes bisexuelles est-ce une chose importante pour toi ?
Oui et non. Je trouve plus important d'avoir accès aux femmes queers que de parler à des hommes bisexuels, par exemple. Ce qui est probablement basé sur un préjugé de ma part, car je ne connais aucun homme bisexuel dans mon entourage.
La visibilité des femmes bisexuelles dans la société est-elle importante pour toi ?
Il est important que les femmes queers deviennent globalement plus visibles et que les bisexuels soient inclus, oui.
T’impliques-tu dans des événements lesbiens et queer ?
Je n'ose souvent pas y aller. C'est bizarre mais j’ai l'impression d'appartenir à la communauté seulement quand je fréquente des femmes, peut-être car tout le monde peut voir que j'en fais partie.
Quelles questions ne devrait-on pas poser à une femme bisexuelle ?
Le grand classique auquel on a un jour ou l’autre le droit de la part des hommes hétérosexuels : la question de savoir si elle a envie d'un trio. C’est gênant, notamment parce que les hommes hétérosexuels y voient une opportunité de réaliser un de leur fantasme.
Qu’aimerais-tu dure aux autres femmes bisexuelles qui ont des soucis avec leur coming out ?
Que quoi qu’elles fassent, elles devraient avoir confiance en elles. Je leur souhaite tout l'amour qu’elle mérite.