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Entrevue avec une pansexuelle activiste : Beaucoup de gens doivent fuir leur famille pour être ce qu'ils sont
Laura définit sa sexualité comme pansexuelle, un mot qui, pour beaucoup de gens, reste mystérieux. Notre vocation est donc de faire connaître et d’expliquer ce qu’est la pansexualité. Or n’y a-t-il pas meilleur moyen de faire savoir ce qu'est la pansexualité que de laisser une pansexuelle en parler ?
Comment avez-vous compris pour la première fois que vous étiez pansexuelle ?
J'ai toujours pensé que j'étais hétéro, jusqu'à 21 ans, l'âge auquel j'ai commencé à considérer mon corps et celui des femmes différemment. Je pensais qu'il devait y avoir quelque chose d'étrange avec moi. J'ai pensé que j'aimais juste les filles, mais j'étais aussi attirée par les hommes. Je me suis donc rendu compte que j’aimais les deux. Je pensais que si je devais porter un label, ce serait celui de la bisexuelle. Mais ensuite, je suis tombée amoureuse d'une fille transgenre et de toutes sortes de gens. Petit à petit j’ai compris que je n’étais pas attirée par une catégorie de personnes en particulier. Alors je me suis dit d'accord, je suppose que je me sens juste attirée par les gens en général. Que ce soit un noir, une blanche, un homme, une femme, ceci ou cela. Ce qui m’intéresse dans une personne, c’est son essence, sa façon d’être.
Pouvez-vous nous expliquer ce que signifie la pansexualité ?
Être pansexuelle, c'est tomber amoureux de la personne qui se tient devant vous sans tenir compte de son sexe ni de son genre. Il n’y a pas de couleur, pas de sexe, pas de religion qui compte - c’est juste cette personne et toutes les choses que vous découvrez de celle-ci qui entrent en ligne de compte.
J'accepte les êtres humains tels qu'ils sont. Lorsque vous êtes pansexuelle, vous aimez la personne dans son ensemble, quel que soit son sexe, ou son identité de genre.
Pansexualité : « Des familles avec des problèmes bien pires que les miens »
En as-tu parlé à ta famille ?
Pas tout de suite. La situation était très compliquée. J'étais sur le point de me marier avec un homme que mes parents adoraient quand j'ai commencé à éprouver des sentiments pour une femme. J’ai quitté mon fiancé pour commencer une relation avec elle. Au début, je n’ai pas expliqué à ma famille les raisons de cette marche arrière. Ma nouvelle amie et moi étions constamment ensemble et je l’ai amenée à de nombreux événements familiaux sans jamais mentionner que nous étions en couple. Mes parents n’ont rien remarqué au début mais à force de nous voir ensemble, ils ont fini par poser la question. C’est là que je leur ai dit.
Mon père et ma mère ont eu plus de difficulté à l'accepter, mais avec le temps, ils ont connu ma copine et l'ont vraiment appréciée, ce qui a aidé. Ma sœur n'a eu aucun problème avec cela. Quant aux autres membres de ma famille, ils ont peut-être trouvé cela un peu étrange mais ils n’ont rien dit ni fait de méchant. Je sais qu'il y a des familles avec des problèmes bien pires que les miens. Parfois ma grand-mère se moque de moi en me demandant si cette fois-ci je vais tomber amoureuse d’un garçon ou d’une fille. Je lui dis que j’aime tout simplement les gens et cela fait sourire car elle ne comprend pas.
Ma famille veut juste me voir heureuse. Pour moi, il est important que quiconque fait partie de ma vie soit aussi dans la leur. Je me sens très privilégiée parce que je sais que beaucoup de gens doivent fuir leur famille pour être ce qu'ils sont. Il a fallu de nombreuses années à ma grand-mère pour comprendre. Elle ne comprenait pas les mots « bi », « homo » ou « pansexuel ». En fin de compte, cela ne l’intéresse plus de savoir si je suis « ceci ou cela ». Elle a 91 ans, tout ce qu’elle veut, c’est me voir heureuse.
La cause pansexuelle : « Plusieurs projets de sensibilisation aux causes des minorités sexuelles »
L’un de tes passe-temps et passions est le théâtre forum, c’est quoi et quel en est son but ?
Etant active à l’ILGA (International Lesbian and Gay Association) je participe à plusieurs projets de sensibilisation aux causes des minorités sexuelles. Avec d’autres nous avons décidé d’aborder le thème de la pansexualité, et plus largement de la sexualité, au travers de l’art et notamment du théâtre forum, qu’on appelle aussi théâtre de l’opprimé parce qu’il défend les causes des opprimés. A l’origine, c’est un concept, une technique de théâtre qui vient du Brésil et où vous explorez, au travers de situations d’oppression, les tenants et les aboutissants de l’oppression sur un groupe spécifique de personnes. On écrit et joue des petites pièces de théâtre qui racontent une histoire qui met en scène cette oppression. Le plus souvent l’histoire se termine tragiquement pour produire un sentiment d’injustice chez les spectateurs qui les fasse réfléchir sur la condition des pansexuels. Nous explorons aussi des histoires sur les personnes LGBT+. Les sujets abordés incluent aussi bien le coming out, l’intimidation, la violence, les discriminations, la procréation, l’adoption, la transition lorsque vous êtes transgenre, etc. Le théâtre forme est une forme d’activisme et aide le public à se sentir autonome.
Que peux-tu nous dire sur la pansexualité en France ?
En France, comme dans la plupart des pays du monde, vous êtes éduqué pour aimer les filles ou les garçons. Il règne un système binaire dans lequel vous devez toujours cocher une case ou une autre pour ne pas être considéré comme une bête de foire, un fou, un pervers ou un dégénéré. Vous ne pouvez pas être un mystère, quelque chose entre les deux. Les gens, pas tous, naturellement, ne comprennent pas vraiment ce que c’est qu’aimer une personne, car ils sont éduqués pour aimer un genre. Certaines personnes plaisantent par ignorance et disent que si les pansexuels peuvent tomber amoureux de n'importe qui, ils peuvent probablement tomber amoureux de n'importe quoi aussi, comme des animaux par exemple. J'ai tendance à être quelqu'un de très direct, je n'ai pas peur de parler, de me défendre et de défendre les autres, ce qui fait que je peux avoir des réactions très vives parfois. Je pense que la transparence est la première étape pour changer la société.