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Interview coming out : On ne sait pas trop comment s’y prendre
Quel plaisir que vous ayez trouvé le temps d'avoir cette conversation avec nous aujourd'hui. Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Eric, 48 ans, en couple depuis deux ans. Je travaille dans une galerie d'art.
Aujourd'hui, notre conversation portera essentiellement sur le thème du coming out. Comment s'est passé le vôtre ? Comment l'avez-vous vécu ?
Le coming out affecte de nombreux domaines différents : Famille, amis, entourage plus ou moins proche, travail, etc. Tout ne peut pas se passer comme souhaité. Pour ma part, ma famille a été divisée par cette annonce. Mes amis proches ont quant à eux montré beaucoup de compréhension à mon égard. Ils m'ont soutenu contre vents et marées. Mais on ne peut pas attendre une telle attitude de tout un chacun. Même au sein de sa propre famille, malheureusement...
Est-ce-qu’il y a eu quelque chose comme un moment clé ?
Oui, oui, il y en a eu un !
Lequel ?
C'était un soir d'hiver. Si je me souviens bien, je devais avoir 20 ou 21 ans, car je venais d'entrer à l'école d'art. Ma professeure, à qui j'avais demandé conseil, m'avait invité à boire un thé chez elle pour discuter de ce qui me tracassait. On a passé une agréable soirée. Bea avait environ 50 ans, elle avait de l'expérience, la maturité dont j'avais besoin à ce moment de ma vie, je suppose. Elle me fascinait. Elle était un peu comme un mentor pour moi. En tout cas, cette nuit-là, elle m'a tiré les cartes de tarot et le déclic a eu lieu.
Plutôt mystique...
Je vous l'accorde, cela a l'air un peu étrange, mais c'était une expérience émotionnelle et spirituelle merveilleuse. Plus la séance progressait, plus mon homosexualité m'apparaissait claire, presque logique. En gros, Bea a dirigé l'interprétation des cartes dans une direction. Au fond d'elle, elle savait que les garçons m'attiraient. Mais elle voulait que je le découvre moi-même, d'où l'astuce du Tarot. Vous comprenez bien que ce ne sont pas les cartes qui ont fait de moi ce que je suis. Ce "jeu" m'a seulement aidé à voir plus clair.
Quel a été votre sentiment sur le moment ?
C'était génial ! J'étais heureux ! Soulagé. En fait, je suis toujours heureux quand je comprends quelque chose.
Mais n'avez-vous pas pressenti les problèmes pouvant émerger suite à votre coming out ?
Sur le coup, pas le moins du monde ! Je n'avais jamais pensé être gay et je ne m'étais jamais posé la question de l'homosexualité chez moi ou chez les autres. Je n'avais pas peur des réactions des autres. Le bonheur de cette découverte m'avait probablement rendu naïf. Mon erreur a été de croire que cela ne poserait aucun problème aux autres. Pourquoi mon homosexualité devait-elle poser problème ? J'étais si heureux...
Comment ont réagi tes parents ?
Mon père a eu la vie facile. C'est un humaniste, un émotionnel, dans un sens à la fois positif et négatif. Je me rappelle exactement du moment où je lui ai dit. C'était lors d'une promenade dans le jardin botanique. Il m'a écouté attentivement, ce qui a plus de valeur que n'importe quel discours. Puis il m'a posé des questions intimes, mais je préfère garder cette discussion de père à fils pour moi.
Et votre mère ?
Difficile. Elle était psychologue mais elle n'a pas réagi comme je l'avais espéré. Elle a fait un blocage par rapport à mon coming out. Je crois qu'elle n'a jamais vraiment pu accepter le fait qu'elle n'aurait jamais de petits-enfants. A l'époque les couples homosexuels n'avaient pas le droit d'adopter. L'homosexualité était également perçue différemment. En fait, ce n’est qu’après sa mort que j’ai appris à quel point elle avait souffert toutes ces années.
Vous souvenez-vous de votre premier ami ? Comment était-ce ?
Il s'appelait Jean. Blond, cheveux mi-longs, très délicat, de type féminin. Un jour il a même été jeté par le gardien de son école parce qu'il s’était habillé et comporté comme une fille. Jean était très soigné et ne savait pas cuisiner. Nous nous sommes connus lors d'une fête légendaire de fin d’études. On s’est plu au premier regard. Jean me voulait et je suis tombé éperdument amoureux, je l'ai trouvé magnifique, ce qu'il était.
Était-ce votre première expérience avec un homme ?
Sexuellement ?
Oui, sexuellement.
Oui, nous avons fait l’amour ce soir-là. C’était ma première fois. Mais honnêtement, je ne me souviens pas exactement de tous les détails, nous avions beaucoup bu. J’ai quelques bribes de souvenir : les gestes tendres, les baisers, toute la douceur sur la terrasse de mon appartement, mais le sexe, cet acte en soi - je pense que ce n’était pas vraiment spectaculaire, mais c’était une bonne première. La première fois, et c’était aussi sa première fois, il y a quelques douleurs qu’on ne peut éviter, tout simplement parce qu’on ne sait pas trop comment s’y prendre.
La suite la semaine prochaine…