Me voilà désormais seul, invisible au milieu de la foule qui glousse, qui rit, qui s’amuse, qui se taquine et qui ne se préoccupe pas d’un mec comme moi. Je regarde un peu dans tous les sens, je sens déjà les effets de la bière monter, cela explique ces yeux qui ne trouvent pas de point à fixer. Je suis indécis : rester ou partir. Rester pour quoi ? Pourquoi partir, la soirée est à peine commencée ? Je bois cul sec les quelques 15 cl qui restent dans mon verre et c’est à ce moment que Cédric, dont je ne connais pas encore le nom, m’aborde. Il me propose un verre. Cette proposition est tellement inattendue que je reste sur ma réserve et lui dit : « un demi, volontiers ». Il me fait un sourire, s’empare de mon verre, sa main m’effleure subtilement, et se faufile entre la foule des gens amassés devant le bar.
Il lui faut bien dix minutes pour revenir avec les boissons. Je me dis pendant ce temps qu’il m’a oublié, qu’il a été séduit par un autre mec sur le chemin et qu’il lui a offert le verre qui me revenait, ou encore qu’il s’est accoudé au bar pour draguer le beau gosse qui tient le comptoir. Ma surprise est grande quand je le vois revenir avec deux cocktails. J’avais commandé une bière mais je ne vais pas non plus cracher dans la soupe.
Un bel homme m’offre un cocktail, je devrais plutôt être content. Pourtant je suis un peu gêné. On trinque, il me demande ce que je fais dans la vie, je lui réponds que je suis webdesigner. Il hoche la tête en souriant. Quoi comme type de site ? Un peu de tout, de l’e-shop, du site vitrine, du blog, et toi ? Cadre supérieur dans une société d’assurance. Je me tais, car je ne sais pas trop quoi dire. C’est Cédric qui mène la danse. Que peut-il bien me trouver ? Il enchaine les questions : d’où je viens, où j’habite, si j’ai quelqu’un dans ma vie, s’il me plaît. Sa dernière question me déstabilise. Je bafouille un oui et boit une grande gorgée de mon cocktail, un long island bien chargé qui manque de m’étouffer. Ma tête tourne. Il me prend soudainement par le bras et me tire à l’écart des gens. Pendant tout ce temps j’avais oublié les gens. Il ne me plaît pas ? Bien sûr que tu me plais, mais…
Mais quoi ? Mais rien… Tu veux aller autre part ? Je fais oui de la tête. Il prend ma main et m’amène dans une rue adjacente. J’habite juste à côté, me dit-il, tu veux boire un verre à la maison ? J’accepte. Plein de choses me passent par la tête à ce moment : est-ce que je suis en train de rêver ? Un mec aussi beau m’invite à prendre un verre chez lui. Réjouis-toi bon sang ! Combien de fois arrive ce genre d’invitations ? Pas souvent malhreureusement.
C’est dans les escaliers que je réalise. Il m’invite à baiser. Je ne m’y connais pas en plan cul d’un soir. C’est nouveau, un peu terrifiant, mais excitant d’un certain point de vue. Je n’ai même pas de capote. Et puis qui va faire quoi ? La sodomie c’est pas trop mon truc. Du moins je n’ai pas l’habitude d’être passif. A vrai dire je ne l’ai fait qu’une fois dans ma vie et ce n’était pas super super. Il ouvre la porte et me fait pénétrer dans son appartement bourgeois.
Chez moi c’est bien plus petit et beaucoup moins cosy. Il me demande ce j’ai envie de boire : gin vodka téquila whisky. Un gin, j’aime bien le gin. On boit. L’alcool me détend un peu. Il regarde mes yeux mes lèvres mes yeux mes lèvres puis m’embrasse soudainement. D’abord doucement, en déposant juste ses lèvres sur les miennes, puis il donne de l’impulsion au baiser, sa langue pénètre ma bouche, ses dents mordillent mes lèvres. Je sens sa main se rapprocher de mon entrejambe. Mon bouton de jean se déboutonne, ma braguette s’ouvre, mon sexe dressé se libère, la bouche de Cédric, sa langue parcoure mon sexe. Je suis dans un rêve, ça ne peut pas être vrai. Je ne sais pas si quelqu’un suce mieux que lui dans le monde. L’excitation monte dangereusement. J’essaye de lui faire comprendre que ça va sortir. Quelle honte ! A peine deux minutes et je suis déjà à me mordre les lèvres pour ne pas jouir. Mais il continue, plus ardemment encore. Ça y est, je vais jouir. J’explose dans sa bouche et lui continue plus fort encore. Un mélange de honte et de satisfaction s’empare de moi. Je ne sais plus où me mettre. Je dois y aller, je suis désolé. Je quitte l’appartement empli d’un sentiment d’écœurement. Arrivé au bas de l’immeuble je réalise que je viens de faire une énorme erreur, une erreur que je ne pourrai pas rattraper. Je rentre comme un con à la maison, la sensation d’avoir tout gâché.
Il m’a fallu plusieurs semaines pour m’en remettre. Dès que je passais dans le quartier, je longeais les murs. Avant-hier, au moment où je m’y attendais le moins, une main s’est posée sur mon épaule alors que j’attendais au distributeur d’argent. C’était Cédric…